Fracture et facture numérique

Depuis plus de cinq ans je donne régulièrement des ateliers ou des conférences sur différents aspect du Web, notamment le marketing numérique, le commerce électronique ou les médias sociaux. En collaboration avec des organisations de développement économique, comme Ressources Entreprise, les CLD ou encore le Fond d’emprunt économique, ces ateliers ont été l’occasion de rencontrer des centaines d’entrepreneurs de la région de Québec, principalement en démarrage. Les interrogations des participants m’ont permis d’aboutir à deux constats principaux. D’une part, il existe une réelle fracture numérique. D’autre part, les entrepreneurs ont beaucoup de difficulté à évaluer les coûts rattachés au développement d’une présence numérique.

La fracture numérique

Lorsqu’on parle de l’utilisation du Web, on tombe inévitablement sur un débat générationnel. Les jeunes auraient une plus grande maîtrise des outils, et les plus âgés seraient des ringards. Je crois que c’est un faux débat, qui se limite justement à la notion d’utilisation du Web et non sa compréhension. La fracture numérique n’est pas générationnelle, elle repose avant tout sur la curiosité des individus et sur leur éducation. J’ai rencontré des sexagenaires tout à fait allumés par le numérique, et au contraire des jeunes complètement dépassés par les technologies. La fracture numérique repose aussi sur tout un ensemble de mythes et de préjugés. Si vous écoutez les journalistes, par exemple, vous aurez l’impression que tout le monde est sur Twitter, ce qui est loin d’être le cas. Pour les entrepreneurs qui veulent développer la présence numérique de leur organisation, ils se retrouvent face des offres de services variées et souvent difficilement compréhensibles. Faut-il se faire un site Web avec un outil gratuit? Faut-il passer par une agence? Sans compter toutes les absurdités sur le référencement ou la nécessité absolue d’avoir une page Facebook. L’entrepreneur curieux et avisé sera en mesure de séparer le bon grain de l’ivraie, mais les autres se retrouvent complètement déboussolés. Les mutations rapides et souvent chaotiques de l’écosystème numérique compliquent évidemment d’autant plus la problématique. Le numérique, c’est tout simplement une gestion différente de l’information : l’entrepreneur se doit donc d’être informé. Il n’y a pas de solution facile ou miracle – se lancer dans une présence numérique nécessite une compréhension des outils, des opportunités et des enjeux.

L’évaluation des coûts

Pour un entrepreneur, si le développement d’une présence numérique peut être flou, les coûts qui y sont rattachés le sont encore plus. Je suis toujours frappé par l’efficacité de l’illusion de la gratuité. Nombre d’entrepreneurs se lancent dans les réseaux sociaux parce que c’est gratuit. La création d’une page Facebook est en effet loin d’être douloureuse pour le porte-monnaie, mais avez-vous considéré le coût que représente sa gestion? Si vous allouez un raisonnable quota de 5 heures hebdomadaire, cela représente plus 250 heures sur un an. Est-ce un bon investissement? Serez-vous en mesure d’évaluer l’impact? Ce volume d’heures de travail serait-il plus bénéfique s’il était investi ailleurs? Ce type de raisonnement n’est malheureusement pas réalisé de manière systématique et approfondi. Beaucoup d’entreprises se retrouvent donc à « bidouiller » leur présence sur les réseaux sociaux ou leur site Web. Ceux qui réussissent sont louangés, mais combien de succès pour combien d’échecs? Tout le monde est conscient de l’importance du numérique, mais si c’est si important, pourquoi négliger la réflexion et les investissements? Une prise de conscience me semble nécessaire, car le fossé se creuse, et la fracture augmente.