La croissance tranquille du livre numérique québécois

Le marché du livre numérique reste encore marginal au Québec, représentant seulement 4% de la part du chiffre d’affaires total des ventes de livres. C’est deux fois plus qu’en Espagne ou en France, mais cela fait encore pâle figure par rapport aux marchés anglo-saxons. Les ventes sont en augmentation constante, mais ce n’est pas encore la révolution. Les jeunes (malgré les étudiants) n’ont pas encore embarqués, et le marché de la littérature jeunesse est quasi-nul.

Le piratage est encore une préoccupation majeure pour les éditeurs. Protéger les livres électroniques, et donc la propriété intellectuelle, coûte encore cher, à moins d’embarquer dans les écosystèmes d’Apple ou d’Amazon.

Une des solutions envisagées est le prêt numérique. J’avais travaillé il y une dizaine années sur des plateformes de prêt numérique pour les bibliothèques. Le sujet est encore d’actualité, et les débats sur le rôle des bibliothèques dans la lutte contre le piratage continuent. La plateforme Pretnumerique.ca est à ce jour le projet francophone le plus abouti. 90% des bibliothèques québécoises y participent, et la plateforme a géré plus de 1,5 millions de prêts en 3 ans. Le projet bénéficie aussi de l’implication de la BanQ (Bibliothèque et archives nationales du Québec). La société québécoise DeMarque centralise pour sa part l’ensemble des titres disponibles. Un tour de force. Les usagers peuvent télécharger des livres numériques « chronodégradables » (ils s’effacent automatiquement à la fin de la période de prêt) et les consulter différents supports d’accès (liseuses, tablettes numériques, ordinateurs, téléphones intelligents). Tous les acteurs du système – usagers, auteurs, éditeurs et libraires – semblent satisfaits du projet.

Le succès de Pretnumerique.ca a d’ailleurs inspiré le projet PNB (prêt numérique en bibliothèque), initiative présente en France, Belgique et Suisse francophone. Sa force repose notamment sur la possibilité de prêter un titre acheté à plusieurs usagers en même temps, ce qui s’éloigne un peu de la reproduction des modèles de prêt basés sur le papier. Il serait en effet temps d’accepter la spécificité du numérique et de sortir du carcan artificiel de la « chronodégradabilité » et d’explorer d’autres avenues, plus adaptées aux nouveaux supports. PNB est encore très jeune (moins d’un an), mais il sera intéressant de garder un œil sur son évolution et de la comparer avec Pretnumerique.ca.